Nous voilà en train de boire un café avant d'attaquer l'ascension, nous nous questionnons sur le niveau de difficulté de cette montée de trois kilomètres. Notre chauffeur nous présente "Lili", ce sera notre guide pour descendre au seuil des portes de l'enfer. Lili, comme son nom ne l'indique pas, est un homme, un ancien mineur reconverti en guide et qui parle anglais. Nous nous équipons de nos lampes frontale, puis nous nous mettons en marche, pour au moins une heure et demi de montée, dans la nuit profonde. Les premiers cent mètres sont assez faciles, nous nous mettons à espérer que ce soit comme cela jusqu'au sommet. Cet espoir va être rapidement annihilé, la pente se fait plus raide, les faux plats permettant de récupérer sont rares, mais nous avançons quand même avec un rythme régulier. Tout au long du chemin, surtout lorsque la pente s'annonce plus abrupte, des jeunes gens crient "taksi". Il proposent aux personnes en difficulté de les transporter jusqu'au bord du cratère dans des chariots, les mêmes que ceux qu'utilisent les mineurs pour redescendre le souffre depuis le sommet, Après à peu près une heure de marche, nous atteignons le poste de pesée du souffre, notre guide nous dit que nous allons faire une pose de dix minutes, nous aurions préféré continuer car nous avons peur que nos muscles se refroidissent. La pause terminée nous voilà repartis, pour nous motiver notre guide nous indique que la pente va bientôt s'adoucir et effectivement, c'est le bien cas quelques centaines de métres plus tard. Nous approchons du sommet, Lili nous donne des masques à gaz et nous demande de les mettre sur notre visage. Nous sommes surpris car nous ne percevons pas d'odeur de souffre et aucune des personnes en train de faire l'ascension avec nous n'en porte. Nous nous exécutons, au risque d'être ridicules, car il vaut mieux prévenir le risque de prendre une bouffée de vapeur de souffre en cas de changement brutal de la direction du vent. Nous arrivons enfin au bord du cratère, nous apercevons à peine les volutes de fumée au loin, au fond du volcan. Maintenant il faut s'attaquer à partie la plus périlleuses et la plus dangereuse, la descente jusqu'au fond cratére. Il fait toujours nuit noire, la pente est abrupte et escarpée, les rochers et le sol sont glissant. Nous n'osons même pas imaginer ce qu'il arriverait en cas de chute. Combien de temps les secours mettraient-ils à arriver? Si toutefois il existe un service de secours. Malgré nos masques à gaz l'atmosphère commence à devenir de plus en plus lourde et irrespirable. De temps en temps le vent raméne vers nous les vapeurs toxiques qui instantanément nous piquent les yeux. Pendant la descente nous croisons des mineurs qui sont déjà en train de remonter avec les deux paniers chargés à bloc sur les épaules. Certain peuvent porter jusqu'à 80 kg, voire plus. Nous arrivons enfin en bas, l'ambiance y est irréelle et suréaliste. Les mineurs sont déjà au travail, ils commencent à1h00 du matin à casser à coup de barre à mine le souffre qui à figé en refroidissant au contact de l'air. Nous avons du mal à les apercevoir, seule leur ombre chinoise, projetée au travers de la vapeur très dense par leur moyen d'éclairage rudimentaire, est visible. Nous nous asseyons sur un rocher à contempler ce "spectacle", mais nous sentons génés de regarder ces hommes, en train d'accomplir leur dure et éprouvante labeur dans des conditions extrêmes, alors que nous sommes là à faire du "voyeurisme touristique". Mais au fait, que sommes nous donc venu faire ici, si tôt le matin? Voir les flammes bleues bien sûr. Le léger vent au fond du cratère pousse les vapeurs dans le mauvais sens, contre la parois du volcan, de ce fait nous ne voyons que de faibles lueurs bleues diffuses au travers des vapeurs. De temps en temps le vent tournant les laisse entrevoir plus clairement mais de manière assez furtive,

Lili me demande mon téléphone et le voilà parti au travers des fumées vers les portes de l'enfer. Les minutes passent, le voilà en fin revenant en bravant les jets de vapeurs, toussant, pleurant et trempé de sueur, mais fier de nous faire admirer ses magnifiques prises de vues. Il est maintenant pas loin de 4h30, la plus part des personnes qui étaient descendues en même temps que nous se précipitent pour remonter de façon à atteindre le sommet avant le lever de soleil. Nous, nous décidons de rester là pour observer encore un peu le travail de ces forçat et attendre que la lumîére soit suffisante pour voir le lac d'acide. Ce lac est le lac le plus acide au monde, autant dire qu'il ne faut même pas envisager d'y tremper ne serait ce que le bout du petit orteil. Au fur et à mesure que le jour se léve l'intérieur du cratère change d'aspect mais n'en reste pas moins impressionnant, inquiétant et hostile. La vapeur jaune, que nous percevions blanche dans la nuit, contraste maintenant avec le bleu du lac et les différents dégradés de gris des rochers.

Il est temps maintenant pour nous de remonter, nous accompagnons des porteurs dans leur arassante tâche, excepté que nous n'avons aucune charge sur nos épaules. Au sommet, des mineurs s'affairent à casser les gros blocs de soufre en de plus petits morceaux qu'ils mettent dans de gros sacs. Lorsque le sac est plein ils l'embarquent dans un chariot direction la pesée. Le kilogramme de souffre leur est acheté 1000 rupia, soit environ 6 centimes d'euro.

Nous redescendons tranquillement le sentier que nous avions emprunté très tôt le matin et nous pouvons désormais apprécier à sa juste valeur la beauté du paysage et la luxuriance de la végétation alentour. Que ça fait du bien de revenir de l'enfer.